Le développement du télétravail bouscule les habitudes de travail et accélère la fréquentation des tiers lieux. Pour financer le développement de ces derniers, d’aucuns avancent l’hypothèse d’une ventilation de la CVAE au profit des territoires accueillant dans leurs espaces de coworking des salariés, même si le siège de leur entreprise n’y est pas domicilié.
Le développement du télétravail à grande distance interroge déjà les États sur son éventuel impact fiscal, notamment concernant les recettes liées à l’impôt sur le revenu de travailleurs partis s’installer dans un nouveau pays. À l’autre extrémité de l’échelon administratif, du côté des communes et intercommunalités, le développement du télétravail de proximité suscite aussi quelques conjectures de nature fiscale.
Dirigeant du Réseau de tiers-lieux Relais d’Entreprises, Dominique Valentin plaide par exemple pour une meilleure répartition des recettes de CVAE au profit des territoires qui accueillent des salariés en télétravail dans des tiers-lieux de proximité. Ces derniers se situent en effet plutôt dans les espaces ruraux ou périurbains, souvent moins bien lotis en CVAE que les métropoles ou agglomérations, qui regroupent souvent les sièges des entreprises de ces mêmes salariés. « Il faut valoriser les externalisations positives pour ces territoires et leur donner ainsi un moyen de financer les tiers-lieux, ce qui est de nature à attirer de nouveaux habitants », estime-t-il. Une suggestion adressée dès octobre dernier à Joël Giraud à l’occasion du Parlement rural français.
Accueillant alors favorablement cette proposition, le secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité avait cependant estimé que le volume de tiers-lieux et de télétravailleurs était encore insuffisant pour engager une réflexion plus poussée sur ce sujet. La proposition est par ailleurs jugée à contretemps par le sénateur de Haute-Garonne Claude Raynal. « C’est une réflexion qu’il sera plus aisé à mener lorsque la CVAE aura retrouver son niveau de 2019, et connaîtra une dynamique positive, puisqu’il est toujours plus facile de partager une richesse nouvelle qu’une richesse déjà affectée », avance-t-il. Mais le sénateur, également président de la commission des finances au Sénat, considère que la question mérite d’être posée. « Au lieu de créer des mètres carrés supplémentaires de bureau dans les métropoles, cette nouvelle répartition de CVAE contribuerait à financer les tiers lieux dans les territoires ruraux. Redistribuer une part de la richesse créée par les salariés/habitants de ces territoires aiderait à faire face aux dépenses publiques qu’ils génèrent ».
Si une nouvelle répartition de CVAE était à terme envisagée, serait-elle aisément applicable ? « La CVAE étant auto-déclarée, ce serait aux entreprises de dire où travaillent leurs salariés », avance Claire Delpech, conseillère finances, fiscalité et habitat pour l’AdCF (Association des communautés de France), qui y voit une source de difficulté. Une objection que relativise Claude Raynal. « Les tiers lieux facturent des heures et des jours de location d’espaces aux entreprises. D’un point de vue pratique, il ne semble donc pas inimaginable de demander aux entreprises de calculer une telle
répartition de CVAE », explique-t-il. Pour le sénateur, le frein serait surtout celui de la stabilité d’une telle recette. « Sa valeur aurait tendance à croître ou baisser selon les besoins des entreprises, ce serait donc davantage à envisager pour les collectivités territoriales comme une recette complémentaire pour améliorer le quotidien que comme une recette permanente permettant d’assurer un emprunt », conclut Claude Raynal.